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Fanfic ch1 : Amere Victoire

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Rikimaru1st's avatar
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6 avril 1987

Les Enfers, Elision

 

    Elision, cette légendaire terre sacrée située au-delà du fleuve Léthé, où seuls les plus grands héros étaient appelés à séjourner une fois leur vie mortelle achevée, venait de connaître les heures les plus sombres de son existence.

    Pourtant, quelques instants auparavant, on pouvait encore sentir l'air frémir au son des rires cristallins des nymphes ou des mille murmures des habitants portés par un doux zéphyr. Cependant, tout cela avait cessé d'être, au moment où les dieux jumeaux de la Mort et du Sommeil s'étaient effondrés dans les champs de fleurs, leurs divins corps portant la trace des nombreuses blessures infligées par les mortels qu'ils avaient sous-estimés. Leurs Surplis étaient brisés, et les nombreux fragments qui parsemaient le sol autour de leurs dépouilles ressemblaient à autant de diamants aux reflets nocturnes.

    Un coup de tonnerre avait ébranlé l'air et l'odeur caractéristique de l'ozone avait pris l'ascendant sur l'enivrante fragrance des fleurs. Au loin, résonnait le bruit de la bataille qui devait déterminer le sort de l'humanité toute entière. Puis, soudainement, le fracas se tut et seul un unique cri se fit entendre, tel une plainte déchirante, gémie par une gorge indéniablement féminine.

 

    Le plus valeureux Chevalier de la déesse Athéna était sur le point de rendre son dernier soupir. Sa divine protection n'ayant pu empêcher la lame d’ébène d'atteindre son coeur, son sang s'écoulait de la blessure mortelle en un flot de plus en plus ténu à mesure que la pompe qui le propulsait allait en faiblissant. Il pouvait sentir la vie s'échapper de son corps et ses sens l'abandonner tour à tour.

    Bientôt son regard se voila, son souffle se fit plus faible et finalement ses yeux se refermèrent, emportant avec eux le souvenir du visage de celle à qui il avait fait don de sa vie.

De chaudes larmes ne tardèrent pas à rouler sur les joues de la déesse qui continuait de répéter désespérément le nom de son Chevalier à l’instar d’une incantation qui aurait pu l’empêcher de s’en aller. Le cosmos, la source de vie, qui animait le corps de Seiya venait de s'éteindre, pareil à la flamme d’une chandelle que l’on souffle. Ses frères ressentirent sa disparition à la manière d’une déchirure d’ordre spirituelle, comme si on leur avait arraché une partie d’eux-mêmes. Les liens qu’ils avaient tissés avec Seiya, depuis leur enfance, venaient de se rompre brutalement avec sa mort, ne laissant subsister qu’un sentiment de vide immense.

    Et tandis que tous se lamentaient, le dieu meurtrier et instigateur de la nouvelle Guerre Sainte s’exclama d’une voix où l’on sentait clairement transparaître le mépris :

    - Ce Pégase a finalement connu une mort inutile … il s’était vu offrir un ultime sursis de vie et il a fallu qu’il plonge tête baissée dans la mort …, quel imbécile !

    Suite à cette remarque offensante, les yeux de la déesse Athéna s’étrécirent, mais contre toute attente, sa réponse fut prononcée d’une voix neutre et non chargée de colère :

    - Hadès, sais-tu ce qu’est l’Amour ?

    Interloqué par cette question inattendue, tout ce que celui-ci put répondre fut :

    - Quoi ?!

    - Pour un Dieu, les hommes ne sont probablement que des êtres stupides … mais les hommes, quels qu’ils soient, ont de l’Amour, reprit-t-elle avec conviction. Et pour cet Amour, ils sont prêts à faire n’importe quoi ! Ils peuvent soulever des montagnes ! Tout Dieu que tu es, tu ignores l’Amour ! Cela fait de toi quelqu’un d’inapte à punir les autres !

    Irrité par de si stupides réflexions, prononcées de surcroît en plein combat, Hadès répondit avec colère :

    - C’est tout ce que tu as à dire, Athéna ?! Alors tu vas comprendre que l’Amour ne rend pas plus fort et qu’il vaut mieux mourir !

    Le Sombre Monarque éleva alors lentement son épée au-dessus de sa tête, s’apprêtant à porter le coup de grâce à Athéna. Résolus à sauver leur déesse et à venger la mort de leur frère, les quatre Chevaliers qui étaient restés jusque-là à observer les deux divinités, firent éclater les bulles de vie dans lesquelles Athéna les avait placés pour les protéger, et s’écrièrent d’une même voix :

    - Tu ne la toucheras pas !

    Face aux puissants cosmos qui émanèrent soudain des quatre jeunes garçons, Hadès sentit grandir dans son esprit une émotion qu’il n’avait encore jamais éprouvée ; la peur :

    - Quoi ?! Leurs cosmos ?! Ce n’est pas possible ! Je suis écrasé par leurs cosmos alors qu’ils étaient à l’agonie !

    Profitant de ce moment de panique, Athéna mêla son énergie à celles de ses Chevaliers et s’en servit pour donner plus de pouvoir à son sceptre qu’elle projeta, telle une lance de lumière, en direction d’Hadès :

    - C’est ça l’Amour, Hadès ! Cette immense force que possèdent les hommes ! La force de l’Amour qui jaillit de la source de la vie ! Et ça, rien, non rien, ne peut le surpasser !

 

    Parfois, une simple hésitation peut influer sur l’issue d’un combat. Ici, elle se manifesta sous la forme d’un moment de doute qui coûta la vie au Sombre Monarque. Nullement stoppé par le plastron du Surplis dont l’éclat rivalisait avec le ciel étoilé, le sceptre transperça de part en part le torse du dieu du Monde des Morts. Niké, la déesse de la Victoire, semblait tel l’étendard de la vie l’emportant sur le trépas.

    Réalisant qu’ils avaient enfin remporté le terrible affrontement, les quatre Chevaliers laissèrent couler librement leurs larmes de joie et de soulagement :

    - Ça y est ! Enfin … ! Nous sommes arrivés à le terrasser ! Tu as vu Seiya … nous avons gagné !

    Plus que la douleur ou la colère, ce fut l’incompréhension la plus totale qui domina les traits et les pensées d’Hadès. Ses yeux si semblables au lit d’un lac profond s’écarquillèrent et sa voix se fit perplexe :

    - Impossible … Comment puis-je finir par mourir ? Je suis un dieu et je meurs dans le monde des morts … ? Non … Je ne peux pas y croire …

    Puis reprenant plus de contenance, le Seigneur Noir utilisa ses ultimes forces, avant de disparaître dans le néant, pour prononcer des mots qui résonnèrent comme un sombre présage :

    - Mais si je disparais, tout ce que j’avais construit disparaîtra avec moi … l’Enfer comme Elision, le Paradis … Athéna … vous aussi, vous serez emportés dans l’effondrement de ce monde … Vous allez disparaître aussi …

    A mesure que son corps disparaissait au cœur d’un nuage de cendres, ses paroles se firent murmures :

    - Tu vois, les humains ne peuvent connaître une victoire totale … La déesse que tu es s’en rendra compte un jour … L’Amour n’est rien de plus qu’une chimère créée pour rassurer … mais au fond, très peu de gens croient en cet amour invisible … Très peu de gens …

 

    Comme plus rien ne le retenait, le sceptre d’Athéna tomba sur le sol de pierre avec un bruit métallique à l’emplacement même où quelques instants auparavant s’était tenu le corps millénaire du dieu du monde souterrain. La déesse de la guerre venait de mettre un terme définitif aux rêves de conquête de son ennemi.

    Un bruit assourdissant parvint rapidement aux oreilles des vainqueurs. Le monde environnant commençait à se disloquer conformément à la prédiction d’Hadès, juste avant sa disparition. Et dans ce décor chaotique, cet instant qui aurait dû symboliser pour les défenseurs de la justice, le bonheur et la paix enfin établis, se révéla finalement être la pire épreuve qu’ils aient dû endurer jusqu’ici.

    En effet, bien que le triomphe final sur Hadès et ses troupes leur eût procuré une intense émotion sur le moment, celle-ci s’était rapidement évanouie pour céder la place à la triste réalité. Un grand nombre de sentiments bouillonnaient en eux : désespoir, colère, peine, dégoût face à une profonde injustice. Certes, ils avaient mis à bas le pire adversaire que l’humanité avait pu connaître, un être cruel et plein de dédain pour la race humaine, mais cet acte digne des plus grandes chansons de geste leur avait énormément coûté, trop même : Seiya était mort ..., ultime maillon de la chaîne de sacrifices qui avaient dû être consentis durant cette guerre honnie de tous.

    Le corps désormais sans vie de leur ami, leur frère, reposait entre les bras de la jeune femme qui leur apparut à cet instant, non plus comme une déesse mais comme la personne la plus vulnérable au monde. Cherchant à la réconforter par leurs présences, ils s’avancèrent d’un même pas formant un semblant de cercle protecteur autour d’elle :

    - Athéna … Saori

    Le regard perdu dans le vague, Athéna déclara simplement d’une voix mécanique :

    - Rentrons … vers notre monde de lumière …

    Un vif éclat émanant de sa personne les enveloppa et ils commencèrent à s’élever lentement dans les airs puis disparurent dans le ciel tandis qu’au sol, le temple d’Hadès et les bâtiments présents depuis les temps anciens s’écroulaient dans un même ensemble, comme un jeu de dominos.

 

Terre, Grèce, Abords du Sanctuaire

 

    Cela faisait maintenant un petit moment que la silhouette vêtue d’une cape, capuchon relevé, gravissait le chemin escarpé menant au Sanctuaire. La montée était rude et devait se faire lentement. Plusieurs fois déjà, en voulant se hâter, elle avait failli tomber dans un des nombreux précipices qui bordaient la route, et ces dangers répétés lui avaient fait prendre conscience de la raison pour laquelle le commun des mortels avait si peu de chances de parvenir jusqu’au domaine des protecteurs de la déesse Athéna.

    Le mystérieux individu décida de s’arrêter quelques instants afin de reprendre son souffle, entamé par l’ascension, et de se désaltérer un peu. Après tout, même si il était pressé cela ne servirait à rien si il arrivait complètement épuisé. Il déposa au sol l’objet enveloppé dans un carré de toile qu’il transportait sur son dos, fit jouer ses muscles ainsi libérés et s’empara de la gourde pendant à sa ceinture.

    Tout en buvant, il laissa courir son regard sur le paysage qui l’environnait. A sa senestre, une paroi rocheuse impossible à escalader. A sa dextre, une corniche surplombant une vallée sauvage et encaissée, recouverte par une forêt de pins très dense. Un courant d’air frais ascendant lui fit parvenir le puissant parfum propre à ces résineux. Au loin, il pouvait apercevoir les imposants pics montagneux dont les sommets se perdaient dans les brumes.

    Le panorama respirait la force primaire des choses dont on sait qu’elles sont là depuis le commencement et qu’elles resteront immuables jusqu’à la fin.

    Refoulant le malaise qui menaçait de l’envahir, l’énigmatique personnage se força à regarder le ciel, en quête d’un quelconque changement dans l’éclipse solaire qui étendait désormais ses ombres sur toute la surface terrestre. Contrairement à ce que la plupart des gens pensaient, cette éclipse n’était pas naturelle, et au lieu d’aller et venir simplement, celle-ci se révélerait définitive, une fois sa plénitude atteinte.

    Son maître, aujourd’hui décédé, lui avait longuement parlé, durant sa formation, des précédentes Guerres Saintes qui avait opposé les deux divinités : Athéna et Hadès.

 

    Pourquoi n’était-il pas là-bas, aux côtés de la déesse pour se battre contre les légions du sombre monarque ? Lui-même ne connaissait pas vraiment la réponse à cette question.

    Au début, il n’avait pas vraiment cru à la réincarnation d’Athéna en la personne de Saori Kido. Puis ce manque de foi avait laissé place à un sentiment de colère et de peur mêlées lorsque cette prétendue divinité avait défié le Sanctuaire et envoyé au front de jeunes Chevaliers de Bronze, qui, pensait-il, n’avaient aucune chance face aux puissants Chevaliers d’Or. Finalement, cette victoire sur le mal qui habitait le Domaine Sacré et celle contre l’Empereur des Mers, Poséidon, l’avait convaincu de la véracité des actes de la jeune déesse. Une fois de plus, il se reprocha de ne pas avoir été présent lors de l’attaque du Sanctuaire, même si sa présence n’aurait pas forcément fait pencher la balance. Et pour couronner le tout, il n’y était même pas au moment même où le destin de l’humanité se jouait. Cependant, il voulait racheter ses erreurs de jugement et c’était pour cette raison qu’il faisait route vers la terre ancestrale des Chevaliers, afin, d’une part, d’être aux côtés de ceux qui y étaient restés, et d’autre part pour prêter serment d’allégeance à Athéna lorsque celle-ci reviendrait victorieuse.

    Il devait croire au retour de la déesse ainsi que ceux qui l’avaient accompagnée. S’apprêtant à se remettre en route, il sentit une boule d’appréhension lui nouer l’estomac, au moment où le disque solaire disparut entièrement de sa vue. Son malaise grandissant, il courut à perdre haleine le long du sentier rocailleux afin de se rendre, au plus vite, au Sanctuaire. Hadès ne peut être sorti gagnant, songea-t-il, c’est impossible !

    Après quelques minutes de folle course, il ralentit la cadence pour observer le soleil qui, peu à peu, réapparaissait miraculeusement de derrière son voile de ténèbres. Suite à cette vision, son cœur se gonfla de joie et un sentiment d’allégresse s’empara de lui. Cette soudaine renaissance ne pouvait signifier qu’une chose : Athéna était sortie triomphante de cette nouvelle guerre sainte. A partir de cet instant, il redoubla d’efforts pour arriver plus rapidement à sa destination.

 

Grèce, Sanctuaire

 

    Au sein même du Domaine Sacré, les Chevaliers restés en arrière-garde étaient encore hagards après l’intense effort qu’ils avaient dû fournir, afin d’élever une barrière de protection suffisante avec leurs cosmos autour de Seika, lorsque celle-ci avait été la cible des attaques du dieu qui commande à la mort.

    Mais le prix à payer pour ce succès s’était révélé très lourd puisque leurs Armures Sacrées, qu’elles soient de Bronze ou d’Argent, avaient subi un sort de destruction identique, et nul n’aurait pu dire, en l’instant, si le point de non-retour qui détermine la mort ou la vie d’une Armure avait été franchi. Malgré la fierté qu’avait engendrée la réussite de cet acte, l’ensemble des visages des protagonistes n’exprimaient rien d’autre qu’une extrême tension et leurs regards étaient rivés sur un seul et même point : la voûte céleste.

 

    Bien que l’ultime éclipse, déclenchée par Hadès, avait atteint son apogée plusieurs minutes auparavant, les Chevaliers refusaient de se laisser aller au pessimisme et gardait l’espoir de voir réapparaître l’astre du jour. Après un court laps de temps, qui sembla pourtant, à leurs yeux, s’étirer à l’infini, le soleil finit par se libérer de l’étreinte obscure qui l’avait saisi et bientôt, ses rayons vinrent inonder à nouveau la terre de leurs lumières bienfaitrices, réchauffant le cœur et l’âme des protecteurs de la déesse Athéna.

    Encore sous le coup d’émotions contradictoires, la seule chose qui parvint à se frayer un chemin jusqu’aux lèvres de Jabu fut :

    - Ils … ils ont réussi ?! Ils ont vraiment gagné !

    Cette simple phrase sembla suffire à libérer les autres Chevaliers de leur léthargie et dès lors ils exprimèrent les émotions qu’ils avaient refoulées si longtemps au fond d’eux-mêmes, de crainte de ne pas les voir se réaliser.

    Mais bien qu’au sein de ce groupe, tous paraissaient d’humeur jubilatoire, l’un d’entre eux ne partageait pas cet enthousiasme, et Marin à qui peu de choses échappaient le remarqua. Elle s’approcha de lui et posa une main sur son épaule, de manière à établir un lien amical, à prouver qu’elle répondait présente si il avait besoin de se confier :

    - Quelque chose ne va pas, Seika ?

    La sœur aînée de Seiya, qui était toujours agenouillée dans une attitude de prière, à même le sol, au centre du cratère engendré par l’impact de l’attaque énergétique de Thanatos, paraissait préoccupée :

    - Hein … je … non, non, tout va bien, merci.

    Même si elle fit mine d’acquiescer avant de se détourner, Marin se doutait très bien que quelque chose troublait la jeune fille mais que cette dernière ne souhaitait vraisemblablement pas en parler. Elle préféra ne pas insister davantage.

 

    Troublé, c’était en effet le mot qui définissait le mieux l’état d’esprit actuel de Seika. Elle venait juste de recouvrer la mémoire et tous ses souvenirs ressurgissaient à une vitesse effrénée, déchirant le voile tissé par l’amnésie. Désormais, elle se rappelait de tout, dans les moindres détails : son enfance à l’orphelinat aux côtés de son petit frère, le jour fatidique où il lui avait été enlevé par des hommes habillés en costumes noirs, sa venue en Grèce pour le retrouver, la chute qui aurait dû lui être fatale, la boutique du vieil homme qui l’avait sauvée et recueillie. Et puis, finalement, elle avait reconnu la présence qu’elle sentait depuis toujours au plus profond de son âme, mais dont la nature lui avait échappé durant sa période amnésique. Il s’agissait du lien unique qui unit un frère à sa sœur, une sœur à son frère.

    Pourtant, elle avait senti ce lien s’amenuiser, allant jusqu’à s’évanouir complètement de son être, tandis que le soleil brillait à nouveau au firmament. Que cela pouvait-il signifier ? La mort, seule force capable de faire disparaître cette relation inaltérable, aurait-elle eu raison de Seiya ? Impensable ! Pas alors qu’ils allaient être enfin réunis après une si longue séparation et tant d’épreuves endurées. Le destin ne peut être aussi cruel, songea-t-elle. Malheureusement, la seule façon de dissiper ses angoisses était d’attendre "l’hypothétique" retour de son frère, et elle le savait.

    Préférant faire taire ses peurs, elle se releva et rattrapa le Chevalier de l’Aigle. Arrivée à son niveau, elle lui demanda :

    - Que va-t-il se passer maintenant ? Et quand vais-je pouvoir retrouver mon petit frère ?

    - Je comprends ton impatience, répondit celle-ci, et j’aimerais pouvoir te donner une réponse, sincèrement, mais je crains qu’il ne te faille attendre, comme nous tous, le retour de la déesse Athéna et des Chevaliers qui l’avaient accompagnée, dont Seiya.

    Elle tourna son regard vers le petit groupe de chevaliers dont les exclamations enjouées leurs parvenaient et dit comme pour elle-même :

    - A les voir, on ne dirait pas que la fin du monde a failli avoir lieu …

    Seika acquiesça subrepticement en attendant qu’elle continue.

    - Viens, nous allons les rejoindre. J’ai quelques directives à leur donner. Ce n’est pas parce que nous sommes sortis victorieux que nous devons nous reposer sur nos lauriers. Il reste beaucoup à faire en attendant le retour de nos compagnons.

    Elles progressèrent jusqu’à atteindre le petit rassemblement. Parvenue à destination, Marin dut élever la voix afin de se faire entendre :

    - Jabu, Kiki ! Calmez-vous un peu, s’il vous plaît !

    Les principaux intéressés furent étonnés de se faire apostropher de cette manière.

    - Qu’est-ce qui ne vas pas, Marin ? demanda le Chevalier de la Licorne. Nos ennemis ont été vaincus et Saori ainsi que les autres chevaliers devraient revenir d’ici peu. On essayait juste de célébrer l’événement.

    - Oui, c’est vrai, Jabu a raison ! renchérit Kiki.

    - C’est compréhensible, admit-elle, mais en tant que Chevaliers, nous avons des devoirs à remplir. Il sera toujours temps de fêter notre victoire une fois qu’Athéna et nos compagnons seront à nouveau parmi nous, vous ne croyez pas ? En leur absence, c’est à nous qu’échoit la garde du Domaine Sacré. En ce sens, je pense qu’il faudrait nous assurer que tout soit en ordre pour leur retour. Jabu, Nachi, accompagnez-moi jusqu’aux baraquements des gardes. J’aimerais m’entretenir avec le capitaine Nereus et lui demander de remettre ses hommes en activité. Peut-être que certains Spectres sont toujours en vie. Il ne serait guère enviable qu’ils passent au travers de notre surveillance pour aller accueillir Athéna avant nous … Shaina, toi et les autres Chevaliers de Bronze, vous devriez vous rendre au Temple d’Athéna. C’est très certainement là-bas, qu’elle et nos amis vont réapparaître. Ils seront sans doute exténués et auront besoin de tout le réconfort possible.

    Le Chevalier de l’Aigle avait pris ces décisions en un temps record conformément à ce qu’on pouvait attendre d’elle. Personne ne trouva rien à redire à ses paroles pleines de bon sens, si ce n’est une petite voix qui s’éleva :

    - Et moi, pourquoi est-ce que je ne pars pas avec eux, Marin ? demanda Kiki avec empressement. Moi aussi, je voudrais apporter mon aide afin de revoir maître Mû et Shiryû.

    - Ne t’en fais pas, le rassura-t-elle, tu auras tout le temps de les voir que ce soit maintenant ou plus tard. Je souhaiterais te confier une tâche spéciale en attendant.

    - Une tâche … spéciale ? répéta-t-il, intrigué par cette idée.

    - Oui, j’apprécierais que tu t’occupes de Seika. Accompagne-la jusqu’à ma maison et veille à ce qu’elle prenne du repos.

    - Du repos !? s’indigna Seika. Vous n’espérez tout de même pas que je vais accepter de rester assise à ne rien faire alors que j’ai enfin une chance de revoir mon frère !

    - Je me doutais que tu réagirais de cette façon, lui avoua le Chevalier d’Argent, mais tu dois reconnaître que ton organisme, ainsi que ton esprit, ont reçu un choc éprouvant il y a peu, et qu’ils ont, de ce fait, besoin de récupérer. Le mieux pour toi est donc de te reposer.

    - Mais …, tenta-t-elle, refusant de céder.

    - Ne t’inquiète pas, tu seras la première informée quand Seiya sera revenu. Je te le promets.

    Seika essaya bien de trouver de nouveaux arguments pour ne pas être mise à l’écart mais n’en trouva aucun. Et comme l’avait dit Marin, la brutale résurgence de son passé oublié l’avait plus épuisée qu’elle ne voulait l’admettre, rendant ses pensées confuses et désordonnées. Finalement, elle dû se rendre à l’évidence et accepta, bien qu’à contrecoeur, les conseils du Chevalier de l’Aigle.

    - Bien, maintenant que chacun sait ce qu’il a faire, acheva Marin, mettons-nous au travail.

    Un assentiment silencieux parcourut l’ensemble des chevaliers. Le groupe de Shaina partit le premier, se dirigeant vers l’escalier de pierres taillées qui débutait une centaine de mètres plus loin, marquant le début du chemin des douze Temples. Son départ fut rapidement suivi par celui de Marin qui prit la direction de la piste qui serpentait en contrebas.

 

    Cet itinéraire constituait l’une des principales voies de communication au sein du Sanctuaire. Comme ce dernier était construit selon un certain degré d’étagement, l’artère centrale comportait de nombreuses ramifications qui conduisaient vers quantité de lieux différents. Une bifurcation s’ouvrant vers l’ouest permettait notamment de rejoindre le théâtre antique qui faisait le bonheur des habitants du Sanctuaire lorsque, lors des fêtes, on y rejouait les plus grandes œuvres que comptait l’histoire grecque, sans pour autant oublier les pièces plus modestes nouvellement créées par certains membres de la communauté désireux de s’essayer, avec succès parfois, à la dramaturgie. Toujours à partir de cet endroit, de simples venelles menaient aux thermes qui avaient été construits là en raison de la présence d’une source naturelle ; c’était un lieu de détente où l’on pouvait se laver, nager, ou tout simplement rencontrer ses amis. Une bibliothèque tenue par des érudits se situait, quant à elle, plus au-dessus du théâtre. En continuant sur l’axe majeur, on découvrait également un passage vers l’est qui aboutissait sur les quartiers où logeaient les soldats, ainsi que certains Chevaliers. Là encore, un sentier remontant vers le nord permettait d’accéder aux arènes où se déroulait en majeure partie la formation "physique" des apprentis défenseurs de la déesse Athéna, mais aussi des personnes prédisposées à la défense du Domaine Sacré.

    Tout au bout de ce long parcours, ou plutôt à son début, se trouvait une vallée où avait été édifié Rodorio, l’un des petits villages faisant partie intégrante du Sanctuaire et dont l’origine remontait à la création même du fief de la déesse de la Sagesse.

 

    En quelques minutes, Seika et Kiki se retrouvèrent complètement seuls. Préférant éviter qu’un pesant silence s’installe, ce dernier prit les devants :

    - Mademoiselle Seika, venez s’il vous plaît, vous devez vous reposer. Je vais vous conduire jusqu’à la maison de Marin.

    Celle-ci ne répondit pas tout de suite, comme si elle n’avait pas écoutée. Toute son attention semblait accaparée par le Palais du Grand Pope, imposant bâtiment de pierre et de marbre qui surplombait de toute sa magnificence l’endroit où ils se tenaient, pareil à l’Acropole d’Athènes. Ce lieu devait marquer le début d’une nouvelle vie pour elle et pour son frère. Et pourtant, il lui était inaccessible ! Elle fulminait intérieurement et pensa un instant désobéir aux consignes de Marin mais se ravisa bien vite. Après tout, elle avait accepté ces dernières de son plein gré et si elle n’en faisait qu’à sa tête, cela pourrait nuire au jeune garçon aux cheveux auburn assigné à sa protection. C’était une sensation bizarre mais plus elle le regardait, plus il lui rappelait Seiya avec son air espiègle, sa façon de bouger, son impatience aussi. Elle décida finalement de lui répondre :

    - D’accord, allons-y. (Elle lui tendit la main.) Mais s’il te plaît appelle moi simplement Seika.

    Ces derniers mots firent naître un franc sourire sur les lèvres de Kiki et il accepta avec enthousiasme la main qu’elle lui présentait, avant de se mettre en route, ensemble.

 

Grèce, Sanctuaire, Montagnes

 

    Une ombre se faufila discrètement entre les rochers qui bordaient la piste, jusqu'à parvenir près d'une paroi granitique. Elle l'étudia pendant quelques instants afin d'y trouver un passage. Finalement, elle remarqua une fissure, à peine visible, qui s'ouvrait dans la roche et dans laquelle le vent s'engouffrait en sifflant. Jetant un regard aux alentours pour vérifier que personne ne l'observait, la silhouette de ténèbres sortit de son abri de pierre avec la vivacité d'un félin et s'enfonça dans l'anfractuosité.

 

    Une fois, qu'elle l'eût franchi, elle se retrouva dans une caverne naturelle, probablement formée par une érosion millénaire. Un mince filet d'eau dégoulinait le long du mur rocheux pour finir dans un petit bassin très peu profond. En face d'elle se trouvait l'entrée béante d'un souterrain, ceinte par une arche de pierres de taille. Nulle inscription ne renseignait sur son possible usage. Deux appliques en fer forgé supportant des torches en marquaient l'ouverture. Faites de simples bâtons de bois dont l'extrémité était enduite de matière inflammable, elles ne demandaient qu'à être allumées. Se sentant un minimum en sécurité, la figure masquée abaissa le capuchon qui dissimulait ses traits, révélant la paire d'yeux couleur émeraude de Byakko.

    Ceux-ci fixaient la sphère qu'il serrait dans sa main. Son maître lui avait expliqué qu'elle lui permettrait de détecter l'objet qu'il était venu chercher, et apparemment rien de plus. Pourtant, lorsqu’il l’avait utilisée afin de s’aiguiller après être arrivé aux abords du Sanctuaire, il avait compris que ce n’était pas son seul pouvoir.

     

    Parvenu en vue d'un village de taille relativement importante, Byakko avait choisi de passer par les champs situés à l’est pour que les villageois ne remarque pas sa présence, ce qui aurait été inévitable en ville. Il s'était installé près d'un olivier et avait alors concentré son cosmos sur la sphère noire, pas suffisamment pour se faire repérer mais assez pour créer un lien entre elle et lui. La connexion s’était faite avec violence, un flot d’énergie pure envahissant ses veines tel un torrent furieux, remontant le long de ses bras jusqu’à atteindre son cerveau. Son cœur s’était mis à cogner contre sa poitrine et il avait battu des paupières pour chasser les points lumineux qui dansaient devant ses yeux. Que lui était-il arrivé ?

    Soudainement ses perceptions sensorielles s’étaient accrues au-delà des limites humaines. Il entendait clairement le faible crissement produit par les pattes d’un minuscule insecte sur le sol de roche. Il pouvait compter avec précision le nombre de barbes sur une plume d’oiseau.

    Malheureusement pour lui, une fois le plaisir de la découverte passé, il se rendit vite compte qu’avec des sens surdéveloppés, tous les bruits alentours devenaient rapidement intolérables. Même en se couvrant les oreilles, les sons l’assaillaient de toutes parts et Byakko crut que son crâne allait éclater.

    D'un seul coup, au milieu de cette cacophonie, il crut percevoir les pulsations d’une énergie lointaine. Se basant sur ses techniques de méditation, il essaya de faire le vide dans son esprit afin de filtrer petit à petit les vibrations parasites pour ne retenir que celle qui l’intéressait. Après y être finalement parvenu, il s'était mis en quête de remonter la piste de la mystérieuse signature énergétique, comme un chasseur l’aurait fait avec celle d’une proie.

    Fort de cette précieuse capacité, il s'engagea sans perdre de temps sur le chemin de terre qui bordait le champ dans lequel il se trouvait, avant de bifurquer vers les montagnes qui supportaient le Sanctuaire, dans son intégralité. Byakko ne saisissait pas vraiment la raison pour laquelle l'orbe le guidait vers ce dédale minéral plutôt que vers une zone habitée, mais il était décidé à lui faire confiance. Il passa de sentiers rocailleux en gorges peu profondes, essayant d'être le plus souvent possible à couvert. En fin de compte, l'orbe lui indiqua que la suite de son parcours se trouvait "dans" la montagne.

 

    Revenant au présent, Byakko s'empara des torches. Il en glissa une dans sa ceinture et alluma l'autre à l'aide d'un briquet et d'amadou. Dès que les flammes eurent léché le bois, il s'avança vers le sombre tunnel, mais au moment où il allait s’y engager, il sentit "quelque chose" effleurer son esprit, comme une goutte d’eau courant sur sa peau. Il se retourna, regardant frénétiquement à droite et à gauche, pour essayer de repérer l'éventuel agresseur qui tentait de pénétrer son esprit. Avec consternation, il s'aperçut très vite qu'il était seul et que personne n'avait pu le suivre sans qu'il s'en aperçoive. Rapidement, l’intrusion se fit plus forte, brisant une à une les défenses mentales qu’il avait érigées, cherchant à atteindre sa conscience pour en prendre possession.

N’arrivant pas à déterminer d’où pouvait provenir cet assaut, Byakko commença à paniquer, une sueur glacée coulant le long de son échine. A nouveau, il chercha frénétiquement la source de l’attaque, quand soudainement, il remarqua que la sphère noire parsemée de veines rouges qu’il serrait dans sa paume semblait pulser au rythme des coups de boutoir que subissait son esprit. Réalisant qu’il était toujours relié à elle, il s’empressa de faire refluer le cosmos qui avait servi à maintenir la liaison. Une fois cette action réalisée, l’attaque cessa aussi vite qu’elle avait débutée. Recouvrant tous ses moyens, mais encore haletant, Byakko réfléchit à ce qui avait pu provoquer cette attaque inattendue. Il devina bien vite qu’une conscience devait exister à l’intérieur du mystérieux orbe, ou alors, que quelqu’un s’en servait comme vecteur pour envahir son esprit. Cette idée l’inquiéta quelque peu et il décida ne pas réessayer d’utiliser l'artefact. Il le rangea dans son manteau et s’engagea finalement dans la galerie.
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